Qu’entend-on par « Cinéma amateur » ?
- Un cinéma réalisé avec peu ou très peu de moyens (ce qui lui évite la recherche d’une production).
- Des films réalisés en famille, avec des amis ou en solitaire.
- L’utilisation d’un équipement léger (en général dans les formats dits substandards).
- Une distribution limitée au cercle familial, à la séance entre amis ou encore aux projections associatives et dans les festivals amateurs.
Ces caractéristiques tiennent ce cinéma à l’écart de tous les circuits professionnels et de ce fait, les films vont se distinguer radicalement des films professionnels ou tout au contraire et paradoxalement, tenter de les imiter par les sujets, les thèmes ou la qualité de la réalisation.
En simplifiant, on peut classer les films amateurs en trois catégories, non cloisonnées bien évidemment :
1. Ceux qui singent les films professionnels (ceci dit sans ironie ni mépris car ils peuvent être très réjouissants).
2. Ceux que l’on appelle, au sens large, les « films de famille » qui n’ont aucun rapport avec le cinéma professionnel.
3. Ceux enfin qui utilisent un outil créatif original pour tenter un cinéma libéré des contraintes professionnelles.
A Propos des « FILMS DE FAMILLE » dont on pense, à tort, q’ils ne présentent que peu d’intérêt !
Ces films, alliés aux documents, en général (pas les documentaires), sont à la mode en ce moment : émissions de télévision, récupération/sauvegarde par les organismes les plus divers …
Comme toute mode qui trouve audience à la télévision, on peut suspecter des intentions inavouées. Après le « vidéo-gag », on prête aux films d’amateurs un intérêt historique certainement exagéré. Il est vrai que certains événements importants ont été saisis sur pellicule de format réduit, mais, comme me le disait très justement notre ami Didier Petot, la présence de quelques chars militaires sur un bout de film ne suffit pas à en faire un trésor inestimable. La recherche de l’événement saisi par la caméra amateur relève de la quête du scoop journalistique. La mode passera.
L’intérêt du cinéma amateur est ailleurs. Il est dans la conservation de la mémoire populaire, en fixant des paysages, des scènes, des personnes que l’on va « immortaliser » en ayant la possibilité de projeter leurs images sur écran, pour très longtemps.
Nombreux sont ceux qui possèdent des films de famille qu’ils gardent précieusement, peut-être en attendant de les faire transférer sur un support vidéo. Quelques collectionneurs conservent ces films trouvés, donnés ou achetés sur des brocantes (à des prix souvent exagérés). Qu’en faire ?
Certains documents rares ont assurément leur place dans les cinémathèques régionales (ceux qui ont un intérêt historique, géographique, sociologique …) et à mon avis, il convient, après en avoir profité, de les céder à ceux qui sauront les conserver, les restaurer et les utiliser dans un cadre culturel.
Quelques films qui ne sont pas des chefs-d’oeuvre, présentent tout de même une homogénéité et des qualités humaines sinon documentaires. Il est parfois dommage de « couper dedans », mieux vaut conserver le film intact, même avec ses défauts.
Très souvent, on récupère des films médiocres, ennuyeux, bâclés, inachevés, mal filmés et parfois même impossibles à regarder. Dans ces lots de « déchets », on arrive toujours à sauver des scènes ou des plans émouvants, autant d’éléments qui pourront éventuellement intégrer un film de montage. Cette fin me semble plus qu’honorable pour certains documents qui ne présentent pas en eux-mêmes un intérêt déterminant mais qu’il serait dommage d’enterrer. Le film de montage, qui s’oppose au film de fiction et au documentaire dont les prises de vues sont réalisées par une même équipe, peut se devenir une aventure palpitante mais très difficile à mener à bon terme.
Bien que les histoires ne soient pas toujours structurées de manière traditionnelle, les films de fiction « racontent » toujours quelquechose, seule possibilité pour maintenir éveillée l’intérêt du spectateur. Le film de montage doit donc trouver un fil directeur qui conduira du premier au dernier plan, les liens qui uniront les scènes, un discours cohérent qui donnera du sens à l’ensemble. Impossible de tricher : si l’on a rien à dire, le film sera ennuyeux. Les images ne peuvent pas se succéder de manière incohérente et en conséquence,le montage image est ici une véritable création qui, cependant, ne suffira pas à donner du sens à la construction. Le commentaire trouve toute sa place dans l’édification du projet.
Il n’y a ni recette, ni méthode pour réaliser un bon film de montage. Il faut pouvoir choisir ses plans ou ses scènes parmi une grande quantité de documents mais l’esprit créatif (esthétisme, poésie, philosophie …), sera ce qui guidera judicieusement ce choix.
Le cinéma amateur passé et présent (car il existe encore !), doit être défendu coûte que coûte, non pas pour tenter de lui attribuer une place aux côtés des professionnels ou à la télévision, mais pour conserver une activité créatrice exceptionnelle; riche et désintéressée.
Michel Gasqui (publié dans Infos-ciné n°50/juin 2002)
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